Psychophobie

De la psychophobie chez les véganes, animalistes et antispécistes (2) : la non-prise en compte des handicaps, maladies et difficultés

Article précédent.

Avant de commencer, je rappelle que je ne parle ici QUE des pays occidentaux. Parce que j’y vis, et que je ne prétends pas connaître ni comprendre les situations dans les autres pays.

Les troubles du comportement alimentaires

Pour les personnes concernées par les TCA, et qui sont ou veulent être véganes, végétariennes… voici un groupe Facebook, dont j’ai eu de bons échos. TCA et Véganisme.

Petite mise au point préliminaire sur les TCA

Il n’y a pas deux TCA (d’une personne à l’autre) qui sont identiques.

Les TCA ne se résument pas à l’anorexie et à la boulimie. Et l’anorexie ne se résume pas à « rien manger » ou « pas avoir faim » (c’est beaucoup plus complexe et varié), de même que la boulimie ne se résume pas à « manger énormément ». En outre, il y a aussi l’hyperphagie, les compulsions alimentaires, les addictions alimentaires (notamment l’addiction au fromage, le trouble de l’alimentation sélective, et d’autres TCA qui ne sont pas « classés » (le DSM a d’ailleurs une catégorie « TCA non-classés »).

Les TCA (malgré leur nom) n’affectent pas que la nourriture, et n’existent pas que devant une assiette. Ils affectent souvent l’état mental général de la personne, son comportement, son état physique, peuvent aller avec de la fatigue, une prise ou une perte importante de poids…

Les TCA vont souvent de pair avec d’autres troubles psychiques (bipolarité, dépression, borderline, stress post-traumatique, anxiété, troubles du sommeil…) et des addictions (alcool, psychoactifs…), et il est fréquent que ces troubles se renforcent mutuellement. Il est aussi possible de cumuler plusieurs troubles alimentaires (par exemple, anorexie et trouble de l’alimentation sélective).

Les TCA peuvent aller avec des maladies physiques, être causés par ces maladies, ou les causer (par exemple causer du cancer, du diabète…), ou se renforcer mutuellement.

Les personnes avec des TCA ne sont pas nécessairement grosses ou maigres, même si ça peut être le cas. Il n’y a pas de « physique-type ».

Les TCA ne sont ni un caprice, ni une question de « goûts », ni un effet de mode,

Les TCA peuvent être causés par plein de choses. Des troubles psy, des maladies, mais aussi la psychophobie, le sexisme et la grossophobie (injonction à la minceur), etc. Ils touchent en général des personnes déjà marginalisées par ailleurs.

Lorsqu’on vit des TCA, on vit aussi une forme spécifique de psychophobie qui va avec (exclusion, stigmatisation, culpabilisation, violences médicales, non-respect par la famille, problèmes à la cantine et au travail…). Qui commence par l’idée que les TCA ne sont pas quelque chose de sérieux et qu’il suffit d’un peu de volonté pour en sortir.

En parlant de psychophobie, n’utilisez pas les mots « anorexique », « boulimique »… à tort et à travers, encore moins comme des insultes, merci d’avance.

TCA et communauté végane

Une partie importante de la communauté végane a déjà du mal à reconnaître les difficultés (et impossibilités) liées aux allergies, aux carences alimentaires, aux maladies chroniques (physiques), aux handicaps moteurs…

Et je crois que pour les TCA, c’est encore plus compliqué. Dans la population en général, beaucoup de gens pensent que les TCA ce n’est que « dans la tête », c’est « un caprice », et qu’en sortir c’est « une question de volonté ».

Comme on l’a vu, c’est faux. Et si il suffisait de claquer du doigt pour en sortir, personne n’aurait de TCA. En effet, avoir un TCA n’a rien d’agréable, c’est pénible au minimum et cela peut être une grande souffrance. Les TCA peuvent tuer (de manière directe), causer des maladies… De plus, comme tous les troubles psychiques, avoir un TCA signifie subir (directement ou non) de la psychophobie, être marginalisé. En particulier en France alias « la patrie de la gastronomie ».

Il y a souvent de la culpabilité (entretenue par l’entourage et la société) autour des TCA, du fait de ne pas arriver à se contrôler, de ne pas manger sainement, etc. Et pour une personne souhaitant être végane mais n’y arrivant pas, il y a en plus la culpabilité de (justement) ne pas être végane qui se rajoute.

Donc, s’il vous plaît, arrêtez de nous dire de « nous bouger » pour guérir, si c’était si simple on ne vous aurait pas attendus pour le faire. Merci.

D’ailleurs, ce n’est pas en culpabilisant et en stigmatisant les personnes qui n’arrivent pas à être véganes qu’on les aide à guérir de leurs TCA (et donc à… être véganes). C’est totalement contre-productif.

Et c’est dangereux. En pratique, une personne qui (pour le véganisme par exemple) se force à « dépasser » ses TCA (sans en avoir guéri) peut faire des crises de panique, de colère, de pleurs, d’apathie. Cela peut aller jusqu’à l’auto-mutilation ou au suicide. Surtout lorsqu’il y a d’autres troubles présents en même temps. Oui, la santé mentale, c’est compliqué.

Difficultés concrètes (TCA et véganisme)

Les compulsions alimentaires, les addictions alimentaires, la boulimie et l’hyperphagie peuvent amener une personne à consommer des produits animaux (par exemple de l’œuf ou du fromage). En particulier lorsqu’elle n’est pas chez elle, ou si elle a développé une addiction à des produits animaux.

L’addiction au fromage est fréquente, et est une réalité. L’addiction au sucre aussi. Le sucre en soi peut être végane, mais souvent, l’addiction porte sur des produits industriels sucrés (gâteaux, bonbons…) qui ne sont pas véganes. Et il peut y avoir d’autres addictions.

Le trouble de l’alimentation sélective (TAS) peut aussi rendre le véganisme très compliqué. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un trouble qui restreint énormément les aliments qu’une personne peut manger.

Dans mon cas, manger un certain nombre d’aliments me fait perdre l’appétit, voire me fait vomir immédiatement (à cause du goût, de la texture). En outre, l’odeur, la vue, et même parfois le fait de m’imaginer un aliment dans ma tête, peuvent avoir cet effet. Je ne peux pas le contrôler.

Le trouble de l’alimentation sélective concerne particulièrement les personnes qui ont des hypersensibilités gustatives, tactiles (par rapport à la texture des aliments), olfactives et visuelles (le goût, l’odorat, le toucher et la vue étant les sens sollicités dans le fait de manger). Ces hypersensibilités se retrouvent chez des personnes autistes, épileptiques, fibromyalgiques, haut potentiel, hyperesthésiques, Ehlers-Danlos… Le trouble de l’alimentation sélective peut aussi être lié aux TOC (par exemple, portant sur la couleur et la forme des aliments).

Le TAS peut aider certaines personnes à être véganes, et être une difficulté pour d’autres gens (voire rendre le véganisme ou le végétarisme impossible). En effet, si tu ne peux manger que des produits végétaux ou presque de base, que tu as un blocage sur l’œuf et le lait, forcément ça aide. Par contre, si tu ne peux manger que des produits animaux ou presque, c’est le contraire.

Il y a des personnes qui ne peuvent manger que des produits animaux, ou qui ne peuvent manger qu’un nombre très restreint de produits végétaux (et du coup, retirer les produits animaux de leur menu n’est pas viable).

En outre, dans le cadre d’un TAS, il peut être difficile voire impossible de goûter de nouveaux aliments, de changer ses habitudes alimentaires…

Si on résume, il peut y avoir des problèmes liés :

  • à la boulimie
  • à l’hyperphagie
  • aux compulsions alimentaires
  • aux addictions (notamment au fromage, la plus répandue)
  • au trouble de l’alimentation sélective (TAS)

Et sans doute d’autres. Qui peuvent rendre difficile ou impossible, selon les cas, de se passer de tel ou tel produit animal.

Et j’en remets une couche. Il est possible et fréquent de combiner plusieurs TCA. Il est possible et fréquent de combiner des TCA avec d’autres facteurs gênants par rapport au véganisme (maladies, handicaps moteurs, dépression, allergies, carences, problèmes d’argent…).

Une personne qui combine plusieurs de ces problèmes se retrouve souvent, déjà, avec un menu très (trop) peu varié. Du coup :

  • Dans un menu aussi restreint, les apports nutritionnels des produits animaux ne peuvent pas forcément être remplacés par des produits véganes. Je sais qu’une personne en bonne santé peut se débrouiller avec les légumineuses, les céréales, les légumes, les fruits… mais c’est pas le cas de tout le monde.
  • Retirer les produits animaux veut dire retirer encore un peu du plaisir à manger que la personne a. Sans forcément remplacer par autre chose. Ce qui est pas anodin pour la santé mentale.
  • C’est déjà souvent difficile de faire ses courses quand on a un menu restreint et compliqué pour des raisons de santé. Avec le véganisme (ou même le végétarisme) ça devient ENCORE plus compliqué.

La nourriture-doudou

Je vous invite à regarder cette vidéo de Vivre Avec, où Margot nous explique le principe de la nourriture-doudou, dont certaines personnes (malades et/ou handicapées) ont besoin pour maintenir leur santé mentale.

Ce qui peut être également un obstacle, pour peu que la nourriture-doudou en question soit animale.



Le manque d’énergie

Il faut distinguer ici deux moments. D’abord, la transition d’une alimentation classique à une alimentation végane (ou végétarienne). Ensuite, le fait de vivre de manière végane ou végétarienne, de façon régulière et permanente.

La période de changement d’alimentation

Pour la plupart des gens, le plus difficile est la transition. Ensuite, les nouvelles habitudes sont installées, et ça roule. Cependant, là encore, ce n’est pas vrai pour tout le monde. Il y a des personnes pour qui ça restera une difficulté tout le temps (par manque de magasins à proximité, à cause de restrictions alimentaires médicales, par manque d’énergie…).

La transition demande (pendant une période qui dure souvent quelques semaines à quelques mois) de l’énergie et du temps pour faire des recherches. Afin de se constituer un menu qui soit équilibré et sans carence (1), qui convienne au budget (2), qui soit gérable en termes de temps et de place pour cuisiner, faire des courses et stocker les aliments (3), et qui convienne aux particularités médicales (TCA, maladie…) si il y en a (4). Certaines personnes doivent aussi cuisiner pour leurs enfants, ou se cuisiner des plats à emporter pour le déjeuner, il faut donc que leur menu prenne ça en compte.

Il faut faire des recherches, sachant qu’il y a des dizaines de sites, de livres, de chaînes vidéos… avec des informations contradictoires, confuses et souvent inexactes. Il faut aussi tester différentes recettes, éventuellement apprendre à les faire.

Il faut éventuellement changer son organisation (par exemple, changer les jours et les lieux où faire les courses).

Tout ça, cela demande donc de se dégager une période (de semaines / mois) avec assez de temps et d’énergie. Tout le monde ne peut pas. Ce n’est pas forcément gérable pour

  • les personnes qui passent trop de temps au travail (heures sup, emplois multiples…) et dans les transports, doivent s’occuper des enfants et des tâches ménagères, doivent s’occuper de proches malades, et sont épuisées
  • les personnes neuroatypiques (autistes, TDAH, schizophrènes, bipolaires, dépressives, anxieuses, borderline, HP…) qui n’ont pas assez d’énergie, de cuillères
  • les personnes avec des handicaps moteurs ou sensoriels qui n’ont pas assez de cuillères
  • les personnes avec des maladies chroniques qui n’ont pas assez de cuillères
  • les personnes qui cumulent plusieurs des points au-dessus

Pour en savoir plus, voir les vidéos de Margot et Superpépette sur la théorie des cuillères.

En plus des cuillères, toutes ces étapes demandent du temps et d’être déjà capable de gérer son quotidien (travail, transports, tâches ménagères, vie perso…) à peu près correctement. Quand on n’arrive pas à gérer les détails du quotidien, la MOINDRE petite complication peut devenir ingérable justement. Et là ce n’est pas une « petite » complication.

Or, beaucoup de personnes avec des handicaps moteurs, des neuroatypies (autisme, schizophrénie…) ont des difficultés à gérer leur quotidien, de base. Beaucoup par exemple n’arrivent à gérer que le travail mais pas le reste, ou l’inverse.

Ensuite, le changement d’alimentation, en lui-même, a aussi un impact sur le corps. Sans que ce soit négatif en soi à long terme (si c’est bien fait), cela peut entraîner une courte période de fatigue (le temps que le corps s’adapte), quelques maux d’estomac… Et pour gérer ça aussi, il vaut mieux avoir des cuillères et être en relative bonne santé. Ce n’est pas spécifique au véganisme, ce serait pareil pour n’importe quel changement important de régime.

Enfin, une transition vers le véganisme ou le végétarisme demande de la disponibilité mentale. Encore et toujours, c’est plus simple quand on a une vie bien organisée, sans trop de problèmes auxquels penser, qu’on a du temps pour soi, et qu’on est en relative bonne santé.

Et après la transition ?

Dans le cas le plus courant, la personne a adopté ses nouvelles habitudes, une nouvelle organisation (cuisine, courses…) et ça roule. Ou du moins, ça ne pose pas plus de problèmes qu’avant.

Mais ce n’est pas automatique.

C’est presque impossible d’être végane sans cuisiner. Au moins un minimum. Et cela demande aussi de faire de vraies courses (au moins un minimum, là aussi). Ou se faire livrer (si on a l’argent). Ou d’avoir un jardin et d’y faire pousser de la nourriture, pour certaines personnes.

Dans le cas contraire, on tourne sur quelques aliments de supermarché (taboulé, chips, pain, carottes rapées…), les frites (de fast-food)…

On pourrait se dire que tout le monde peut faire un minimum de courses et de cuisine. Mais pour certaines personnes, même y passer cinq ou dix minutes, n’est pas possible.

Il y a des personnes pour qui se lever de leur lit est un effort difficile. Ou des personnes qui sont sur le papier capables de faire plein de choses… mais n’ont pas les cuillères (leurs cuillères étant consommées par le travail ou autre). Que ce soit à cause de troubles psy (dépression), de maladies, de handicaps…

On ne peut pas demander à tout le monde de passer du temps (même très réduit) à cuisiner, choisir des aliments, manger, faire la vaisselle (même si c’est juste passer de l’eau sur un couteau, une fourchette, et une assiette en carton)… tous les jours.

Ces personnes vont parfois ne manger que des produits demandant le strict minimum de temps et d’énergie. Fromage (éventuellement prérapé), saucission (éventuellement prédécoupé), jambon, hamburgers… Eventuellement achetés en distributeur ou fast-food.

Ce n’est pas viable de retirer les produits animaux dans une telle situation. Aussi bien pour le moral de la personne, que (surtout) pour ses besoins nutritionnels quotidiens.

Les autres difficultés (médicales ou non)

Recherches

On l’a vu, la transition vers le véganisme ou le végétarisme implique des recherches, souvent longues et compliquées. D’autant plus pour les personnes qui ne maîtrisent pas le français (et l’anglais…), les personnes illettrées et analphabètes, les personnes dyslexiques…

Ces problèmes-là auront aussi des problèmes si elles souhaitent lire les étiquettes, et vérifier que les produits sont bien véganes.

Cuisine, motricité et douleurs

La dyspraxie et les handicaps moteurs peuvent rendre difficile ou impossible de cuisiner, voire de tenir un couteau, une assiette…

Il existe des handicaps et des maladies dans lesquelles le fait de cuisiner, tenir des couverts, des assiettes… peut faire mal. Par exemple, pour certaines personnes Ehlers-Danlos.

Les personnes avec des restrictions (TCA, maladies…) peuvent-elles « remplacer » les produits animaux ?

Il existe de nombreuses astuces pour « remplacer » la viande, le fromage, l’œuf… Soit en achetant des substituts (souvent chers), soit en cuisinant ses propres substituts, avec des ingrédients du commerce (cela peut revenir pas cher du tout, par contre il faut connaître les recettes, avoir l’énergie et la place de cuisiner…).

Est-ce possible pour une personne qui a des TCA ? Cela dépend, puisque tous les TCA sont différents, d’une personne à l’autre. Il y a des cas, cependant, où cette solution n’est pas viable. Prenons trois personnes fictives qui ont des TCA.

1 ) Léa n’a pas beaucoup d’argent, et peu de temps et d’énergie pour cuisiner (travail, transports). Elle vit dans une chambre de bonne (et n’a pas la place de cuisiner). A cause de ses TCA, elle a besoin de manger du fromage.

Elle a goûté les fromages véganes et elle aime ça, donc sur le papier, c’est la solution idéale. Seulement, elle n’a pas l’argent pour les acheter, et n’a pas le temps et l’énergie pour les cuisiner. Donc, elle ne peut pas remplacer.

2 ) Aurélie a un trouble de l’alimentation sélective , et ne peut manger que de la viande rouge, de la volaille, du poisson et du fromage.

Elle a essayé les substituts, mais ça ne marche pas, parce qu’étant hypersensible sensorielle, elle se rend compte des différences et cela ne comble donc pas ses besoins. Même lorsqu’on lui sert un fromage végétal qui, pour les autres, est « impossible à distinguer d’un fromage classique », Aurélie sent la différence. Et même chose pour les substituts à la viande.

Il y a une raison si on appelle ça hyper-sensibilité. Même les « petites » différences ne sont pas forcément petites quand on est hypersensible.

3 ) Karim a une addiction forte au fromage. Or, l’addiction au fromage est liée à la caséine… qui se trouve dans le lait. Lorsqu’il mange des fromages végétaux, du coup, cela ne répond pas à son addiction. Quand bien même le goût serait le même (l’addiction n’est pas forcément une question de goût et de texture).

4 ) Fatima a un menu restreint. En effet, elle a des TCA, des troubles digestifs et des allergies multiples. Cela ne lui laisse principalement que des produits animaux, ainsi que les légumes verts et le riz.

Si elle enlève les produits animaux, elle ne peut donc pas compenser leurs apports nutritionnels en mangeant des lentilles, des légumes rouges, jaunes et oranges, des fruits, etc. De plus, elle perdrait le peu de plaisir à manger qu’elle a, et cela nuirait à son état mental (qui n’est déjà pas très bon).

Comme vous voyez, « remplacer » n’est pas toujours possible pour tout le monde. Et supprimer des produits animaux sans les « remplacer » n’est pas, non plus, toujours possible.

La pauvreté

Si vous comprenez l’anglais, je vous invite à regarder cette vidéo.

Je traduis le titre. « Être végane est tellement facile et pas cher, parce que #rizetharicots ». L’autrice de cette vidéo (A Priviledged Vegan) ne défend pas cette idée, mais la démonte (je précise).

Elle parle du racisme, du mépris et de la violence de classe, des difficultés des personnes qui manquent d’argent, des personnes qui manquent de temps (car elles ont des enfants et un travail), et des personnes qui vivent dans des déserts alimentaires (food deserts)d’immenses zones sans supermarché ni magasin, avec seulement des fast-foods). Ces déserts alimentaires vont souvent avec des transports en commun absents ou insuffisants.

Les déserts alimentaires urbains et ruraux

A Priviledged Vegan a fait une autre vidéo, en anglais également, sur les déserts alimentaires aux USA. Je vais traduire le contenu ici. Aux USA, les déserts alimentaires sont habités par des personnes pauvres, par des communautés noires et latinos, et ont entre 3 et 4 fois moins de supermarchés que les zones habitées par les personnes blanches et les classes moyennes. Contrairement à ce que le mot « désert » laisse penser, ces zones n’existent pas qu’en campagne mais aussi en ville. 23 millions de personnes y vivent aux USA.

Les déserts alimentaires urbains (dans 108 villes américaines) obligent les personnes qui y vivent, si elles veulent aller au supermarché, à prendre les transports en commun (avec souvent une ou plusieurs correspondances), ou la voiture. Sachant que pour beaucoup, les transports en commun sont insuffisants ou totalement inexistants, et la voiture trop chère. De plus, on retombe sur notre point précédent : les personnes qui ont des problèmes médicaux n’ont pas forcément l’énergie pour faire ces trajets. Les personnes qui cumulent des emplois, ont plusieurs enfants… n’en ont pas forcément le temps.

On parle de déserts alimentaires ruraux lorsqu’il faut faire plus de 16 kilomètres (en voiture) pour atteindre un supermarché. Et vu que le les personnes les plus pauvres ne peuvent pas avoir de voiture (trop cher) et qu’il y a des gens qui ne peuvent pas conduire (handicap, maladie), des distances beaucoup plus courtes sont déjà un problème.

Le vélo n’est pas forcément une option non plus, encore une fois il faut pouvoir se payer un vélo, avoir la place pour le garder chez soi, et surtout avoir le temps, l’énergie et la capacité physique (hello le handicap moteur, la maladie et le vieillissement) pour l’utiliser. De plus, le vélo n’est pas une option en cas de canicule, de neige, de forts vents…

En outre, les déserts alimentaires sont souvent des zones peu sûres, où une partie des gens craindront de sortir de chez eux et ne le feront qu’au minimum.

Et même si les options véganes et peu chères EXISTENT (par exemple des frites), ne manger QUE ça et supprimer les produits animaux n’est pas viable nutritionnellement (ni pour le moral).

Le résultat, c’est que la seule option viable c’est souvent le fast-food, la station service, le distributeur automatique… Au passage, cela a aussi un impact grave sur la santé (aux USA, il n’y a que 13% de personnes noires, pour 62% de personnes blanches (non-hispaniques). Pourtant, il y a deux fois plus de morts dues aux maladies cardiaques chez les personnes noires que blanches (selon l’American Cancer Society). Et au sein des communautés noires, c’est la cause de 27% des morts.

Il faut donc avoir conscience que les déserts alimentaires ne se contentent pas de rendre difficile ou impossible le véganisme. Ils tuent leurs habitants. Et dégradent leur qualité de vie et leur santé.

Pour aller plus loin sur les déserts alimentaires (américains et canadiens), voici une étude de l’INPES et une étude de l’ENS Lyon.

Les informations concernant la France sont plus difficiles à trouver et limitées, mais j’ai trouvé cette étude de la Documentation française (Pauvreté, Précarité, Solidarité en milieu rural), datant de 2009. Les chiffres sont dans les annexes XVII et XVIII, aux pages 121-122.

Les chiffres ne concernent pas que l’alimentaire, mais aussi les autres magasins (vêtements, chaussures…), les écoles, les services de santé, les services de garde d’enfant, les vétérinaires, les cinémas, etc. Le rapport distingue les « pôles d’emploi ruraux », et les autres communes rurales (dans lesquelles il y a le plus de problèmes).

Je parlerais donc ici des autres villes rurales., en commençant par les personnes qui doivent faire plus de 15 minutes en voiture, puis celles qui doivent faire plus de 30 minutes en voiture. Sachant que justement, c’est en voiture, et que tout le monde ne peut se payer une voiture ou conduire encore une fois. Et sans voiture, les trajets qu’on peut faire sont encore plus courts.

Il y a donc, dans les communes rurales isolées en France, 6,8% des habitants qui doivent faire plus de 15 minutes en voiture pour aller à un supermarché. Les chiffres tournent autour de 0,4% pour les petits commerces (épiceries, boucheries…). Mais dans ces petits commerces, le choix végane est aussi plus restreint.

Le rapport montre aussi que ces zones existent loin des grandes villes, mais aussi dans la banlieue de Lille ou de Paris (par exemple en Seine-et-Marne).

Si vous avez des données plus précises sur les déserts alimentaires en France et en Europe, n’hésitez pas à partager.

La pauvreté, la précarité, les conditions de travail et de vie…

Même si on ne vit pas dans un désert alimentaire, il y a des obstacles (dont j’ai déjà parlés).

Il est certes possible pour beaucoup de gens (avec de petits revenus) d’avoir une alimentation végane relativement saine et diversifiée, et souvent moins chère qu’une alimentation incluant des produits laitiers, des œufs et de la viande.

Cependant, la transition vers le véganisme ou le végétarisme demande (sur une courte période) du temps, de l’énergie, de la disponibilité mentale. Et même ensuite, il faut du temps et de l’énergie pour les courses, la cuisine, de la place pour cuisiner, ranger les aliments et les ustensiles… ce que tout le monde n’a pas. Certaines personnes doivent manger au travail ou sur leur trajet.

Cela explique que des gens se nourrissent au fast-food, au distributeur, en station-service, à la cantine d’entreprise… Et dans ce contexte, retirer les produits animaux c’est peu gérable.

A plus forte raison, les personnes qui dépendent d’ONG (Restos du Coeur, etc), d’aides publiques alimentaires (food-stamps aux USA…) n’ont pas forcément le choix de ce qu’elles mangent.

J’en profite pour rappeler que tout le monde ne peut pas manger bio (à cause du prix) non plus. Cela n’a pas de rapport avec le véganisme en soi (on peut manger de la viande bio, on peut manger du végane non-bio), mais une partie des écologistes et véganes pense que, pour des raisons éthiques, tout le monde devrait manger bio. Là aussi, c’est un point de vue privilégié.

Les situations de dépendance légale ou économiques

Un certain nombre de personnes n’ont pas le choix de ce qu’elles mangent. Ou du moins, doivent recevoir l’autorisation pour manger ce qu’elles veulent et/ou ont des difficultés pratiques.

Les raisons sont diverses.

  • Personnes mineures
  • Jeunes adultes qui vivent encore chez leurs parents
  • Personnes (adultes) forcées de retourner chez leurs parents, ou de vivre chez leurs enfants, frères, sœurs, amis…
  • Personnes en prison, en centre éducatif fermé, en maison de retraite, en hôpital psy, en hôpital, en internat, etc

Les difficultés sociales

Le véganisme ou le végétarisme impliquent des difficultés sociales avec la famille, les amis, au travail… Pas seulement de devoir gérer des personnes hostiles, ou lourdes. Mais aussi les repas chez les autres, au resto, au travail, à l’école/collège/fac, etc.

C’est une situation que les personnes de classe moyenne (ou sup), valides, neurotypiques en général peuvent gérer. Surtout quand elles sont aussi dans la norme sur le reste (cis, hétéros, blanches, etc).

D’une part, il y a des chances que ces personnes trouvent leur place facilement dans les milieux véganes et végétariens, et y trouvent du soutien. D’autre part, par rapport à leur entourage (carnivore), ce sera plus facile de leur part de faire accepter leur véganisme, de gérer les situations sociales compliquées… Même si elles perdent des amis, elles en retrouveront d’autres assez facilement. Dans certains cas, devenir véganes peut même faire gagner à ces personnes de la popularité, dans certains milieux.

En revanche, c’est différent pour beaucoup de personnes neuroatypiques, malades et handicapées, à cause du validisme et de la psychophobie. D’abord, beaucoup de valides-NT n’ont pas envie de s’embarrasser avec des amis en fauteuil roulant, ou qui se fatiguent vite, qui ne peuvent pas aller partout… De même, ils n’ont pas forcément envie d’avoir des amis « fous », « débiles », « intellos-chiants », « pas cool », etc. Les mots schizophrène, psychiatrie, psychose leur font peur. Et les interactions quotidiennes avec des personnes autistes, par exemple, leur demandent trop d’effort.

Il est donc difficile, dans ces situations-là, de se faire des amis. Il est encore plus difficile de se faire des amis qui soient réellement respectueux (par contre il y a toujours des gens pour trouver « inspirant » le handicap des autres, ou qui sont là par fascination malsaine pour « la folie », ou qui te traitent en singe savant, ou qui se servent de toi comme caution « j’ai un ami handicapé »…). Et il est difficile de garder ses amis. Sans même parler d’amis, il est difficile de ne pas, par exemple, manger seul à la cantine (ou manger avec les autres… comme une plante verte). Il y a aussi des difficultés sociales avec les parents, les frères, sœurs et le reste de la famille.

D’autres situations peuvent créer de l’isolement social (l’homophobie, la biphobie, la transphobie, la grossophobie, le racisme…). Et encore une fois, tout ça peut se combiner.

Et cet isolement social va en général avec des discriminations dans l’emploi (refus d’embauche, rupture de période d’essai, licenciements abusifs…), et donc des difficultés à trouver et garder un emploi.

Il y a un second niveau de difficultés. Certaines personnes ont absolument besoin d’être entourées, et/ou de garder leurs amis et leur famille près d’elles. Elles ne PEUVENT PAS se permettre de risquer de les perdre. Leur santé mentale en dépend. Vous pouvez trouver ça malsain, mais c’est un fait, ces personnes ne choisissent pas d’être dans cette situation.

Je pense aux personnes qui ont des phases de dépendance affective liée à l’anxiété, à la dépression, à la bipolarité, à la personnalité borderline… Je pense aussi aux personnes qui ont une personnalité dépendante (pour qui c’est plus qu’une « phase »).

En outre, les personnalités dépendantes (par définition) vont compulsivement s’accrocher à toutes leurs relations, ne pouvant vivre sans.

Bref. Passer au végétarisme ou au véganisme, pour certaines personnes, c’est avoir encore un truc de plus qui les marginalise. Et elles ne peuvent pas forcément se permettre ce luxe.

Donc, oui, elles continuent à consommer des produits animaux pour préserver leur vie sociale car elles en ont besoin, de manière impérieuse.

Certaines de ces personnes, aussi, mangeront des produits animaux à la cantine de l’entreprise, pour ne pas se faire remarquer et/ou parce que la cantine ne propose pas d’options véganes suffisantes (et qu’elles doivent manger à la cantine). Pareil, c’est une nécessité, pour garder leur emploi.

Et certaines personnes (qui ont par exemple été traumatisées par des violences familiales, du harcèlement scolaire…) n’arriveront pas à se lancer, par peur panique du regard et du rejet des autres. Ce sera juste mentalement impossible. A cause du stress post-traumatique.

Bref. Tout le monde ne peut pas payer le prix social du véganisme ou du végétarisme.

Racisme, perte de culture et nourriture

Je partage ce lien de La femme au couteau (partie « véganisme et racisme » de l’article). A propos des personnes qui vivent la diaspora, qui doivent déjà se battre pour conserver (ou retrouver) les moindres bribes de leur culture écrasées par le racisme et la xénophobie. Là, en l’occurrence, il s’agit de personnes juives, mais c’est vrai pour de nombreux autres groupes.

Certaines personnes peuvent du coup trouver extrêmement difficile et violent de se séparer de traditions culinaires (religieuses ou culturelles), sachant que ces traditions sont rarement véganes. L’autrice du blog craignait, en outre, de blesser sa grand-mère (attachée aux traditions).

J’ai vu récemment une vidéo où un des auteurs expliquait que, dans ces cas-là, « on peut changer la tradition », que « la culture c’est pas un truc fixe », que « la culture ne se résume pas à la cuisine »… Dans l’idéal oui. Mais j’insiste : certaines personnes en sont à lutter pour garder des bribes de leurs cultures. Du coup, la recette de soupe de poulet ne sera pas forcément « juste une recette » parmi plein de traditions, peut-être que ces personnes en sont à ça près.

C’est quelque chose que je comprends un peu personnellement, car les deux côtés de ma famille ont vécu la diaspora, la xénophobie, et (justement) totalement perdu leurs cultures d’origine pour s’intégrer.

Les difficultés combinées (pour la nourriture)

J’en ai déjà parlé tout au long du texte, mais ça mérite un paragraphe entier. Une même personne peut cumuler de multiples difficultés par rapport au véganisme ou au végétarisme.

A chaque fois qu’une de ces difficultés est évoquée, les gens répondent que « il existe telle solution simple », que « ça rend juste la chose un peu plus difficile, surtout au début »…

C’est souvent le cas (bien qu’il existe aussi des situations qui ne PEUVENT PAS être réglées par des solutions simples). Mais qu’en est-il des personnes qui cumulent de multiples difficultés ? Peut-être que, prises isolément, ces difficultés pourraient être résolues, mais cumulées ça change la donne.

On va récapituler les problèmes possibles.

  • Personne déjà socialement marginalisée (psychophobie, validisme, mais aussi racisme, homophobie, transphobie… ou plusieurs discriminations à la fois). Qui ne peut se permettre de se mettre encore plus « en marge ».
  • Personne en situation de dépendance affective, liée à la personnalité dépendante ou à un autre trouble psy.
  • Personne marginalisée, qui ne peut se permettre de s’afficher comme végane, ou de manger hors de la cantine, pour garder son emploi
  • Personne qui a une peur panique du regard et du rejet des autres (stress post-traumatique)
  • Personnes mineures
  • Personnes adultes (jeunes ou non) sous la dépendance de leur famille ou amis
  • Personnes en prison, maison de retraite, hôpital psy… qui n’ont pas le choix libre de leur nourriture
  • Personnes dépendant des aides alimentaires (publiques ou ONG)
  • Personnes qui n’ont pas le temps, l’énergie et la place pour cuisiner et faire les courses, à cause de la précarité
  • Personnes habitant dans des déserts alimentaires ruraux et urbains
  • Personnes qui ne peuvent pas cuisiner à cause d’un handicap moteur ou de la dyspraxie
  • Personnes qui ne peuvent pas ou difficilement faire des recherches et lire les étiquettes (dyslexie, illettrisme…)
  • Personnes qui n’ont pas l’énergie pour cuisiner et faire des courses au quotidien, par manque de cuillères (autisme, trouble psy, maladie chronique…)
  • Personnes qui ne peuvent pas gérer la transition, par manque de cuillères
  • Personnes avec des allergies, carences, ou un régime spécial à cause d’une maladie ou d’un traitement.
  • Personnes avec un ou plusieurs troubles du comportement alimentaire.
  • La question des traditions culinaires dans les groupes ethniques et religieux marginalisés

Ces problèmes VONT souvent ensemble, de fait. Les personnes pauvres et précaires, et les personnes marginalisées, ont le plus de chances d’avoir des maladies. Les personnes handicapées et neuroatypiques sont souvent pauvres (discriminations dans l’emploi, impossibilité de travailler…). Et les troubles du comportement alimentaire concernent le plus souvent des personnes marginalisées, en particulier avec d’autres troubles psy.

Autrement dit.

Le message que « tout le monde peut devenir végane », « tout le monde doit devenir végane », les insultes contre « les carnistes » (pris en bloc) voire contre les « ovo-lacto-végétariens » sans tenir compte de la diversité de leurs situations…

Tout ça, c’est validiste, psychophobe, et classiste (entre autres). Cela l’est toujours, sans exception. Il y a pas d’excuse. Et on s’en fiche que ce soit « pour la cause » ou que ce soit « pas dit dans cette intention ».

Et donner des leçons aux personnes marginalisées, c’est juste carrément déplacé.

Jusque-là j’ai parlé de la nourriture et des problèmes qui vont avec, mais le véganisme n’englobe pas que ce qu’on mange. Dans le principe, il s’agit de cesser de tuer et d’exploiter les animaux en général. En travaillant dans une filière exploitant les animaux, en allant au zoo, au cirque, en achetant de la fourrure, de la laine, du cuir, par la corrida, etc.

Et hors de la nourriture ?

L’emploi

J’ai déjà parlé, en long, en large et en travers, de la précarité, des difficultés à trouver et garder un emploi… Donc je ne re-développe pas.

Il y a des dizaines de millions de gens qui ont besoin de travailler (c’est une évidence). Et qui, du coup, doivent travailler dans un fast-food. Dans un resto. Dans un supermarché (où on vend des produits animaux), en caisse ou ailleurs. Dans une station-service (où on vend des produits animaux). Dans l’élevage. Dans une animalerie. Et j’en passe.

Avoir un mode de vie totalement végane n’est donc pas possible pour ces personnes. Et évidemment ce n’est pas de leur faute, et elles n’ont pas à en être tenues pour responsables. DU TOUT. JAMAIS.

L’arachnophobie

Entre 3 et 6% de la population souffrirait d’arachnophobie. Bien évidemment, il y a une marge entre le léger stress à la vue d’une araignée, et la crise de panique.

Mais certaines personnes, justement, perdent le contrôle d’elles-mêmes et parfois… tuent l’araignée. Oui, c’est moche, l’araignée est innocente et ne devrait pas mourir pour ça, on est d’accord. Enfant, je faisais partie de ces personnes trop arachnophobes. Maintenant, j’arrive à me contrôler et à faire partir l’araignée (par exemple en glissant une feuille de papier sous elle et en la posant ailleurs délicatement).

Les personnes arachnophobes (lourdes) ne peuvent donc pas forcément avoir une vie totalement végane, puisque évidemment tuer les araignées n’est pas végane…

Les personnes malades, handicapées, pauvres… qui « y arrivent » ne sont pas votre caution

Quand ces sujets sont abordés, il y a toujours des personnes non-concernées pour citer des exemples. Machine qui a des troubles alimentaires et qui y arrive. Bidule qui est pauvre et précaire, et qui y arrive.

Sauf que

1 ) Toutes les situations sont différentes. Et surtout…

2 ) Les personnes neuroatypiques, handicapées, malades et pauvres (qui « y arrivent ») n’existent pas pour servir de caution à vos discours.

De même, quand vous débattez avec des personnes marginalisées qui vous reprochent des comportements de privilégiés, arrêtez de sortir l’exemple d’autres personnes marginalisées (qui vont dans votre sens) comme caution.

Oui, il y a des désaccords entre personnes marginalisées, évidemment (c’est normal que tout le monde ne soit pas d’accord dans un groupe). Non, ça ne vous autorise pas à vous immiscer dans ces débats, à donner des points, à instrumentaliser ces désaccords en votre faveur.

Stop, l’indécence.

Endurcis-toi

Ou en anglais, « harden the fuck up ». Certains véganes (y compris sur Youtube) s’improvisent experts en santé, et nous invitent à « nous endurcir ». A faire du sport, à manger plus sainement et naturellement, à arrêter de prendre des médicaments (parce que la méchante industrie pharmaceutique nous manipule et qu’on n’a pas besoin de médicaments).

Ces gens n’hésitent pas à dire que les handicaps et les maladies sont causés par la consommation de viande et de produits animaux. Que devenir végane (par le pouvoir de la nourriture naturelle et/ou de la compassion envers les animaux) permet de régler tous les problèmes de santé mentale, voire de santé physique (!). On retrouve ici la propagande de PETA, qui prétend que l’autisme (à leurs yeux une maladie… bref) va avec le lait de vache.

Ces gens racontent n’importe quoi avec un air docte, et sont dangereux. C’est dangereux de conseiller aux gens d’arrêter les médicaments comme ça (sans aucune expertise médicale).

De plus ils disent (implicitement ou explicitement) que si une personne non-végane est malade ou handicapée c’est de sa faute, fallait être végane. C’est d’autant plus problématique que la majorité des maladies est causée ou accentuée (au moins en partie) par la pauvreté, la misère, l’exploitation au travail, le manque d’accès à la médecine, et les différentes formes de violence sociale (psychophobie, racisme, sexisme…). Les personnes les plus marginalisées ont le plus de problèmes de santé (physique ou mentale).

Donc faire comme si les maladies étaient causées par la consommation de produits animaux (1) et les « choix des malades » (2), c’est juste dégueulasse.

Et puis, juste, vous n’avez pas à donner vos avis sur la vie des personnes malades. C’est pas vos oignons. Point.

Par ailleurs, le mépris des « faibles », ça craint. Et l’injonction à « s’endurcir », aussi.

Ah oui, et puis on n’est plus au 19ème siècle. Arrêtez de croire que tout est une « question de volonté », que le véganisme c’est forcément une question de volonté, que la maladie, le handicap, les TCA… c’est une question de volonté.

Désolé (ou pas, en fait) pour le ton brusque, mais ça m’énerve. Et si vous trouvez mes propos violents, essayez d’imaginer la violence du validisme et de la psychophobie.

 

6 réflexions au sujet de « De la psychophobie chez les véganes, animalistes et antispécistes (2) : la non-prise en compte des handicaps, maladies et difficultés »

  1. Victime ou handicapé de TCA depuis l’enfance, j’ai curieusement passé le cap de devenir végane, il y a quelques années, avec le deal suivant : « Dorénavant tu manges tout ce que tu veux, sauf des produits animaux ». Ce qui était psychologiquement un grand changement, non pas du fait d’une pratique acétique alimentaire, voir anorexique, mais la disparition de la culpabilité de « trop » se nourrir. Quarante ans d’esprit régime, ça fatigue, et ça ne donne rien, pour moi tout au moins. Et là, moi qui ne résistai pas un croissant au beurre ou à une barre chocolaté (j’utilise le singulier par honte), ni à un kebab frite, tout à coup, plus rien. Bon, j’ai « droit » à mon houmous journalier ou à un fomage de soja, tout de même. En même temps, la reprise d’un jardin et l’abandon de ma voiture, m’a orienté vers plus de « sport » que je ne pratiquai plus depuis plusieurs dizaines d’années. Tout ça associé à la prise modéré de cannabis m’a fait perdre une bonne quinzaine de kilo sans aucune frustration … J’ai du arrêter la divine plante, ayant constaté un laisser aller professionnel par trop négligeant et des trous de mémoire gênants, qui s’avère maintenant venir d’autre chose. Nul n’est parfait. Et j’ai repris une dizaine de kilo depuis. Mais je ne mange toujours plus de produits animaux. Se sentir droit dans ses bottes par ses convictions et comportements alimentaires ou non, est une satisfaction qui n’a pas de prix. Et, à vaincu mes cibles alimentaire animales, autrefois irrépressibles, sans le moindre souci. Je le souhaite à tout ceux qui souffrent de TCA.

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  2. ❤ merci beaucoup de tenir ce blog, je te suis depuis un moment et j'ai limite bondi de joie quand j'ai vu tout tes nouveaux articles.
    Je trouve très pertinente ta série sur la psychophobie VG car je suis moi même en pleine réflexion et j'essaie de manger de moins en moins de viande, mais j'ai énormément de chemin a faire avant le végétalisme que c'est parfois décourageant, et j'ai une GROSSE capacité a culpabiliser. Bref, merci d'enlever un peu de ce poids 🙂
    Ce texte ci me touche particulièrement parce que j'ai une hypersensibilité générale, mais surtout gustative assez marquée mais "variable" selon bcp de paramètres (que je commence seulement a comprendre..) et ça n'aide pas du tout a changer de régime alimentaire.

    Je suis aussi en début de démarches pour un diagnostique vis a vis de plusieurs "traits" autistiques (je ne veux absolument pas m'approprier cette étiquette ! et quel que soi le résultat du diagnostique j'aimerais juste être fixée.) et ton blog m'a aidé a me questionner et surtout, a me sortir des a-priori et manque de connaissances que j'avais.
    J'ai la chance d'avoir des parents avec eux aussi plusieurs traits autistiques "classiques" et plus subtils, ce qui fait que je n'ai jamais eu une éducation trop "normée" (ce qui m'a surement, paradoxalement, aidée a mieux m'adapter)

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    1. Soutien pour la procédure de diagnostic, et pour ta transition vers le végétalisme. Et je sais que c’est compliqué (comme je disais dans l’article, une partie des véganes n’aide pas), mais il vaut mieux que tu n’écoutes pas les commentaires des gens, et que tu ailles au rythme de ce que tu PEUX faire.

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  3. « Le trouble de l’alimentation sélective concerne particulièrement les personnes qui ont des hypersensibilités gustatives, olfactives et visuelles (le goût, l’odorat et la vue étant les trois sens sollicités dans le fait de manger). Cela peut être des personnes épileptiques, hyperesthésiques, autistes… »

    Tactiles, aussi.

    La texture des aliments rentre en ligne de compte.
    Par exemple, je suis complètement incapable de manger un truc ayant une texture gluante sans avoir des hauts le coeur. Même si j’aime le goût.

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